A propos du polythéisme sumérien

Les principaux dieux du panthéon sont en petit nombre : le Ciel, An ; la Terre, Ki ; Enlil (dieu principal, le vent entre ciel et terre) ; Ereshkigal, déesse des Enfers ou monde souterrain ; Inanna, déesse de l’amour ; Enki, le dieu de l’eau souterraine et créateur des humains ; Nanna, dieu masculin de la lune ; Ninhursag, « maîtresse des collines. » et de la fertilité naturelle du sol. Chaque ville possède sa propre divinité poliade. La religion est polythéiste et elle semble parfaitement originale, elle ne ressemble guère à d’autres connues sauf par quelques détails. Elle va inspirer pendant des millénaires les croyances des Akkadiens et des autres Mésopotamiens. Il est utile de distinguer, dans la religion comme dans d’autres domaines, ce qui est propre aux peuples sémitiques et ce qu’ils doivent à Sumer (à la culture si différente de la leur). Les Dieux ont créé l’être humain pour qu’il les serve et les dégage de toute forme de contrainte : il doit leur offrir notamment la nourriture (par des sacrifices rituels) et des habitations (les temples). Les Sumériens aiment assez leur confort, leur sécurité (dans la Cité) et la jouissance des biens matériels et des richesses pour croire que l’existence terrestre, malgré sa dureté, est de loin préférable à celle de l’au-delà. Celle-ci n’est faite que de souffrances et de misère. Ils survivent donc sans l’espoir qu’ils puissent connaître, tôt ou tard, un sort meilleur que le leur. Ils sont donc très pessimistes et leur seule consolation réside dans une accumulation toujours plus grande, voire gigantesque, de richesses ! Ils sont très « matérialistes ». L’au-delà ne les intéresse pas contrairement à la plupart des autres peuples : c’est une des influences qu’ils auront, en particulier, sur la religion et, par suite, sur le scepticisme en matière religieuse… des Grecs. Mais pour ceux-ci, il existe quand même quelques exceptions, rares il est vrai : les héros, qui connaissent une bienheureuse immortalité. Pour les Sumériens, il n’y a aucune exception possible, même pas pour Gilgamesh, le grandissime roi d’Uruk, qui ressemble pourtant à ce que sera un héros grec quelques millénaires plus tard. Je pense que ce pessimisme constitue une influence des Sumériens (via les Pélasges et les Phéniciens) sur les Grecs, et celle-ci a modifié leur religion initiale. En effet les Indo-Européens des débuts croyaient au moins à une immortalité heureuse de l’aristocratie guerrière (et des rois-combattants, en particulier). Et les kourganes sont des tombeaux dont l’existence repose sur une conception de l’Autre-Monde assez semblable à celle des pyramides égyptiennes, bien que d’une architecture beaucoup plus modeste.
Mais les Sumériens ont néanmoins voulu imiter consciemment l’architecture des plus anciennes pyramides égyptiennes (que les premiers Indo-Européens, eux, ne connaissaient guère) : si leurs constructions sont moins impressionnantes, c’est surtout parce qu’ils n’ont pratiquement utilisé que des briques (car ils ne disposaient guère de pierres dans leur pays) ! Les ziggurats sont des pyramides à degrés construites autour d’une tour au sommet de laquelle s’élèvent un ou deux temples destinés aux principales divinités de la localité. Ils remplacent une grande butte naturelle ou une montagne, au faîte desquelles on avait également l’habitude d’élever des sanctuaires. Donc imitation formelle de l’Égypte mais dans un but très différent de celui poursuivi par les pharaons et leur entourage : ce n’est nullement un tombeau grandiose, qui serait une insulte aux Dieux, mais une grande colline au sommet de laquelle réside la divinité et d’où elle peut contempler et dominer la ville tout entière. Les Sumériens sont bien obligés d’en construire car il n’existait pas de collines à Sumer, au terrain plat.
R. D.

Pour illustrer, photo de Sam Moghadam Khamseh sur Unsplash du ziggurat de Choghazanbil en Elam. Les Elamites furent en partie influencés culturellement par les Sumériens voisins. C’est le seul Ziggurat aux ruines encore bien visibles.

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