La sédentaire Sumer et les nomades

L’Administration et la Justice de Sumer sont fondées sur des codes. Les châtiments infligés aux petits délinquants sont d’une cruauté extrême, avec usage habituel de la torture, de la diminution physique ou de la mise à mort. Les codes sont donc faits pour inspirer la terreur, ce qui semble indiquer qu’une bonne partie de la population n’apprécie guère la discipline imposée et essaie de s’y soustraire. On a visiblement affaire à un État qui se veut totalitaire, qui se mêle de contrôler dans le moindre détail la vie quotidienne et même très personnelle de tous les citoyens ordinaires… On constate donc que, par leur civilisation, les simples citoyens de Sumer doivent perdre en liberté plus ou autant qu’ils ne gagnent en bien-être matériel et en sécurité. Les nomades voisins pourront les comparer aisément à des prisonniers qui s’enferment eux-mêmes à l’intérieur de leurs propres murailles : ils sont donc leurs propres geôliers.
Inversement, la haine totale des Sumériens pour les nomades s’exprime au mieux dans la manière qu’ils ont de présenter le dieu amorrite Martu. « Il n’a pas de toit, mais il entre partout où il le veut. Il ne produit rien et ne gagne pas d’argent, mais il se paie sur l’habitant. C’est un clochard. Il aime bien de casser le ménage de ses hôtes obligés. C’est le nomade, le rustre de la montagne. Quand il a faim, il renifle le sol avec son groin pour déterrer les truffes. Par contre il ne se baisse jamais pour travailler et ne prépare pas de repas : il mange la viande crue. Il n’a pas de maison à lui pendant toute son existence et n’est pas enseveli à sa mort. Martu le ravageur aux instincts de bête sauvage ! »
Pourtant les Sumériens ont vécu en bons termes et se sont même mélangés avec un autre peuple sûrement semi-nomade à l’origine et de langue sémitique comme les Amorrites : les Akkadiens. Ceux-ci s’intègrent particulièrement bien dans la cité sumérienne de Kish, dans laquelle ils deviennent assez rapidement majoritaires. D’autres bourgades purement akkadiennes sont fondées dans la même région et plus au Nord, donc dans la future Babylonie : toute leur culture et leur savoir-faire sont d’inspiration sumérienne. Ces anciens pasteurs itinérants, peu enclins à mener une existence casanière, sont particulièrement utiles aux cités sumériennes pour le commerce à longue distance, comme soldats-mercenaires ou comme bergers dans la steppe la plus proche de la ville. Dans le courant du 3ème millénaire, ils adoptent l’écriture cunéiforme sumérienne pour transcrire leur propre langue. Celle-ci n’a pas posé de gros problèmes de compréhension à notre époque, puisqu’il s’agit d’une langue sémitique, qui a des parentes bien connues de nous (arabe et hébreu). _ R. D.

Pour illustrer, une tablette de langue akkadienne en caractères cunéiformes enregistrant des animaux domestiques vers 2100 avant notre ère.

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